Verba Magica
Les Secrets latins des sortilèges
2ème édition


 
   Aujourd’hui, nous continuons notre exploration des racines linguistiques de plusieurs sortilèges. Comme nous avons vu lors du dernier article, l’histoire d’entre eux est presque aussi envoûtante que leur effet. Dans ce qui suit, nous nous pencherons sur deux sorts de défense.


Protection garantie : Protego

    Protego permet au sorcier de se défendre contre tous les sortilèges mineurs jetés contre lui. De plus, le bouclier créé par l’incantation est aussi physique et protège donc le sorcier contre d’éventuelles agressions corporelles. La gestuelle de baguette correspondante est très simple : il suffit de tracer une ligne verticale.

Protego est la première personne du singulier de l’indicatif présent du verbe latin protegere, « protéger ». En prononçant le sort, un sorcier dit littéralement « je protège ».

    Bien que l’étymologie soit assez simple, Protego nous apprend néanmoins un aspect intéressant de la tradition lexicographique latine.
Si vous êtes curieux et que vous allez vous-même chercher l’infinitif protegere dans un dictionnaire latin, il est fort probable que vous ne le trouviez pas. En effet, dans la plupart des dictionnaires latins, la liste des entrées ne contient aucun infinitif de quelconque verbe.

Quelques précisions sur les différences Français / Latin

    Un verbe, comme d’autres classes de mots, apparaît dans la langue sous plusieurs formes : par exemple, on rencontre chanté, chantant, chanter, chantons…
Un lexicographe doit choisir une de ces formes pour représenter toutes les autres dans son dictionnaire. Cette forme sert alors d’entrée.

En français, on opte pour l’infinitif. Mais en latin, il est plus pratique de choisir la première personne de l’indicatif présent comme entrée.
La raison est simple : lorsque nous rencontrons dans un texte une forme verbale inconnue dont nous ne connaissons pas la signification et que nous voulons la chercher dans un dictionnaire. Il est plus facile d’en déduire la première personne du singulier de l'indicatif présent que l’infinitif.
Par exemple, si je vois dans un texte falluntur, aidé par les règles grammaticales, je sais immédiatement que la première personne du singulier de l’indicatif présent est fallo. L’infinitif, lui, n’est pas sûr : cela pourrait être fallere, fallire…
Ainsi, je trouverai immédiatement le mot que je cherche. L'infinitif correct se trouvera normalement plus loin dans l’info qui accompagne l’entrée.


    Pour les articles Verba magica, afin de rester précis et clair, nous utiliserons désormais la première personne du singulier de l’indicatif présent pour représenter les verbes. Mais, nous ajouterons l’infinitif entre parenthèses.

    

Va-t’en, odieux ennemi : expelliarmus !

    Expelliarmus constitue un sort très important dans l’histoire de la Magie : l’incantation de désarmement, reconnaissable par l’éclat de rouge qu’elle provoque, fut la signature célébrée de Harry Potter. Expelliarmus permet de se défendre en enlevant la baguette de son opposant sans lui causer du mal.

    Les racines latines montrent clairement l’effet de ce sort. Nous reconnaissons d’abord le verbe Expello (infinitif: expellere), qui signifie ‘repousser’.
Puis, -armus fait penser au substantif arma, respectivement ‘ustensiles, armes’.
Puis, le -i- entre expell- et -armus facilite sans doute la prononciation. Il ne peut pas provenir du verbe expello, car, contrairement à d’autres verbes qui se terminent à l’infinitif par -ere, comme capio (infinitif : capere) et rapio (infinitif : rapere), il ne prend pas d’i supplémentaire entre la racine et la désinence.

    En fait, arma est unique, principalement car le singulier n’existe pas : ce mot ne s’utilise qu'au pluriel. Si, en latin, quelqu’un veut vraiment indiquer qu’il s’agit d’un seul arme, il pourrait utiliser telum, qui signifie aussi ‘arme’ et qui s’emploie au singulier et au pluriel, ou il pourrait préciser la nature de l’arme (gladius pour une épée, hasta pour une lance, sagitta pour une flèche…
Et oui, vous l’avez bien remarqué : le latin ne possède ni article déterminé, ni article indéterminé pour accompagner les substantifs.)

    Il semble quand-même que les créateurs du sortilège Expelliarmus ont créé armus, un singulier fictif de arma. Ceci semble logique, car le sort ne permet de priver qu’une personne de sa baguette.
(Pourtant, la forme armus n’est pas très logique selon la déclinaison des noms latins : si arma possédait un singulier, il devait être armum.)
Donc, la formule exacte serait : ‘Expelliarmum’.

Les sorts de défense : derrière les incantations

    La prochaine fois que vous prononcez Protego ou Expelliarmus, vous saurez donc que derrière ses mots, une vraie histoire se cache.
Ces sorts révèlent que la magie commence aussi par la langue.

N’hésitez pas à nous raconter dans les commentaires quels sorts vous aimeriez voir dans cette rubrique !



Félicie Dubois-Clairmont
L’équipe des prunes des Réseaux Sociaux